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NAUFRAGE DE LA MÉDUSE.

il n’éprouva que de légères douleurs ; la seconde, le mal-aise augmenta, et à la troisième, la fièvre se déclara. Il était alors à trois lieues de Poitiers, très-près d’un petit village. Se trouvant exténué de fatigue et accablé par la fièvre, il résolut d’aller chez le maire, demander un billet de logement ; ce fonctionnaire était absent, et son épouse répondit que dans tous les cas, il fallait avant tout obtenir l’agrément de M. le marquis de Fayolle[1], colonel de la garde nationale. Le voyageur languissant ne vit aucun inconvénient se rendre auprès de M. le marquis : il fut trompé dans son attente. M. le colonel lui fit un fort mauvais accueil, et resta insensible à ses prières ; il eut beau lui montrer ses certificats, sa feuille de route, ses blessures ; même lui présenter son bras tremblant qu’agitait la fièvre, rien ne put le fléchir. Désespéré, le malheureux malade se retira, en maudissant une inhumanité qu’il ne s’attendait pas à trouver dans un chef de la garde nationale, et se promettant de n’oublier jamais son illustre nom, et la manière impitoyable avec laquelle il avait répondu à ses prières. Tout épuisé qu’il était, il fut obligé de se traîner encore à pied pendant une mortelle lieue, pour atteindre une auberge où il

  1. Ce marquis de Fayolle est le même qui, en sa qualité de maire de la commune de Colombier, étant assisté de trois membres du conseil municipal, condamna, le 15 août 1816, le sieur Henri Dusouil à l’amende de 5 fr., pour avoir fait cuire trois pains le jour du dimanche, délit prévu par l’art. 5 de la loi mémorable du 18 novembre 1814.