Page:Corréard, Savigny - Naufrage de la frégate La Méduse, 1821.djvu/316

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
311
CHAPITRE XIV.

voir figurer au bas de cet écrit la signature d’un homme à qui M. Savigny, de sa propre main, avait sauvé la vie[1]. La persévérance de M. Corréard à refuser sa

  1. Cette remarque sur la conduite d’un de nos compagnons, que nous avions connu sous des rapports estimables, nous avait coûté quelque peine ; aussi n’avions nous pas désigné expressément dans la première édition celui qu’elle concernait. Aujourd’hui, en nommant M. Griffon, nous croyons remplir une obligation que ses sentimens actuels nous imposent.
    Un homme d’honneur, surtout dans l’état de faiblesse et de maladie morale et physique où nous étions plongés, a pu être un moment égaré ; mais quand il répare cette erreur, pour ainsi dire involontaire, avec la générosité qui a dicté la lettre suivante, nous le répétons, il n’y a plus de crime à avoir erré ainsi, et c’est une justice, c’est pour nous un devoir bien doux de rendre hommage à la franchise, à la loyauté de M. Griffon, et de nous féliciter d’avoir retrouvé l’âme du compagnon de nos malheurs telle que nous l’avions connue, avec tous ses titres à notre estime.
    Voici donc la lettre qu’il vient d’adresser à M. Savigny, et qui devient pour nous une preuve précieuse de la vérité de nos récits.
    Extrait d’une lettre de M. Griffon à M. Savigny.
    Actuellement, Monsieur, je vous dois un témoignage de reconnaissance pour votre attention à me prévenir. Je sais qu’à vos yeux je ne devais pas mériter autant de générosité de votre part ; il est beau d’oublier le mal qu’on nous a fait, et de faire du bien à ceux qui ont voulu nous nuire : votre conduite avec moi est admirable. Je confesse que, quoique mes réclamations fussent justes au premier abord, je me suis trop laissé aller au premier mouvement d’une imagination faible et mon-