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CHAPITRE XIII.

de M. Renaud. Il me disait que tous nos malheurs dérivaient de là : et peut-être avait-il raison ; car à bord d’un bâtiment, le lieutenant en pied a presque toujours l’entière confiance du capitaine ; et dans ce cas ci M. Renaud possédait tout entière celle de M. de Chaumareys qui, par un instinct singulier reconnaissait son insuffisance. Or, il fallait un Chmaltz pour par venir à brouiller un officier avec son capitaine, au point de préférer de voir périr le vaisseau, plutôt que d’instruire le commandant du véritable danger qui nous menaçait. M. de Chaumareys voulait en suite prouver son habileté comme marin ; mais il puisait ses preuves dans les campagnes qu’il avait faites étant très-jeune ; et pour justifier ses assertions, il me citait le mérite des jeunes officiers de la marine de Napoléon ; il me disait obligeamment qu’il ne différait avec eux que par l’opinion ; et qu’il était bien malheureux pour la France qu’ils fussent tous de jeunes jacobins. Dans son délire, il ajoutait : Il ne leur manque que le bonnet rouge, oui, rien que cet affreux bonnet ; et que si la Méduse avait été perdue, c’était leur faute, attendu que lui capitaine ne pouvait pas répondre des fautes de ses officiers, surtout en plein jour, et dans un moment où il était dans sa chambre, occupé à des travaux qui absorbaient tout son esprit : puis il ajoutait encore : Je considère mon affaire, pour moi seulement, comme une bagatelle ; cela ne sera rien, non, cela ne sera rien. Il ne doutait pas un moment de son résolution, mais il craignait pour tous les autres naufragés. Il offrait à