Page:Corréard, Savigny - Naufrage de la frégate La Méduse, 1821.djvu/30

Cette page a été validée par deux contributeurs.
30
NAUFRAGE DE LA MÉDUSE.

point à terre : on mit en route, en filant huit nœuds. Nous étions restés trois heures vis-à-vis de la baie de Funchal. Le soir, à la nuit tombante, Madère était à toute vue ; le lendemain, au lever du soleil, on eut connaissance des îles Désertes ou Salvages et le soir nous aperçûmes le pic de Ténériffe, situé sur l’île de ce nom. Cette haute montagne, derrière laquelle le soleil venait de se coucher, nous offrit un spectacle vraiment majestueux : sa tête élevée nous parut couronnée de feux. Sa hauteur au-dessus du niveau de la mer est de 3711 mètres[1]. L’île est située par les 19° de longitude, et les 28° 17′ de latitude. Plusieurs personnes du bord ont assuré qu’elles avaient aperçu le pic dès le matin, à huit heures, et cependant nous en étions au moins à trente lieues : il est vrai que le temps était fort clair.

Le commandant résolut d’envoyer un canot à Sainte-Croix, l’une des villes principales de l’île, pour aller chercher quelques objets dont nous avions besoin, tels que des filtres et des fruits : en conséquence toute la nuit on courut de petits bords. Le lendemain, au jour, nous longeâmes une partie de l’île, à deux portées de fusil, et nous passâmes sous le canon d’un petit fort nommé Fort-Français. Un de nos compagnons tressaillit de joie à la vue de cette petite fortification élevée à la hâte par quelques Français, lorsque les Anglais, sous les ordres de l’amiral Nelson,

  1. Borda et Pingré l’évaluent à 11,422 pieds.