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NAUFRAGE DE LA MÉDUSE.

rapporta bien plus à son cœur qu’à sa raison, qui lui dictèrent sa réponse au major.

Il ne lui en coûta rien de lui exprimer avec feu toute la reconnaissance qu’il lui devait pour la manière noble et délicate avec laquelle il était venu chercher et soulager son infortune. « Quant au secours pécuniaire que vous me destinez encore, poursuivit-il, je l’accepte avec plaisir, parce que des bienfaits de votre part ne peuvent qu’honorer celui qui les reçoit, et que j’espère pouvoir un jour acquitter cette dette et en payer les intérêts à vos compatriotes, si jamais j’en rencontre qui puissent avoir besoin de mon assistance. Mais quant à votre autre proposition, M. le major, permettez-moi de ne pas être de votre avis, et d’avoir un peu plus de confiance dans la générosité de mon gouvernement ainsi que dans celle de mes compatriotes. Si j’en agissais autrement, ne serait-ce pas vous autoriser à mal penser du caractère français, et dès-lors, c’est à vous-même que j’en appelle, généreux Anglais, n’aurais-je pas perdu mes titres à votre estime ? Croyez, M. le major, que notre belle France s’énorgueillit aussi d’un grand nombre d’hommes dont le patriotisme et les sentimens d’humanité peuvent rivaliser avec ceux qu’on trouve si fréquemment dans la Grande-Bretagne. Comme vous, nous sommes libres ; comme vous, nous nous sommes formés aux sentimens, aux devoirs dont se compose le véritable amour de la patrie et de la liberté. En retournant en France, je crois fermement retourner au sein d’une grande famille.