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CHAPITRE XIII.

secours. Tenez, Monsieur, voilà 300 francs pour faire votre voyage, soit que vous vous rendiez à Paris ou à Londres. D’ailleurs réfléchissez un instant au parti que je vous propose, et si votre détermination est telle que je voudrais vous la voir prendre, faites m’en part sur-le-champ, afin que je puisse vous donner des lettres de recommandation pour tous mes amis ainsi que pour mes protecteurs, qui se feront un vrai plaisir de vous être utiles. »

M. Corréard était vivement pénétré de ce qu’il venait d’entendre : la noble générosité de l’homme de bien auquel il devait déjà la vie et qui descendait avec une bonté si parfaite à tous les détails des moyens qu’il croyait les plus propres à achever son ouvrage et assurer le bonheur de son pauvre naufragé, remplissait le cœur de celui-ci d’attendrissement et de reconnaissance. Cependant, le dirons-nous ? le conseil d’aller à Londres, que vient de lui donner le major, avait eu quelque chose d’attristant pour son cœur : il ne l’avait pas entendu sans se souvenir aussitôt qu’il était Français, et je ne sais quel confus murmure d’amour-propre et d’orgueil national lui disait qu’un Français qui avait servi son pays, à qui un malheur inoui donnait tant de titres à la justice ainsi qu’à la bienfaisance de son propre gouvernement, ne pourrait, sans une sorte d’insulte à ses compatriotes, commencer par aller en Angleterre se mettre à la merci de la pitié publique. Ce furent donc ces sentimens, sur lesquels il s’en