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CHAPITRE XIII.

cinq jours de traversée, cette corvette mouilla sur la rade de Brest. M. Savigny dit que, depuis six ans qu’il


    embarcations aux Maures d’une manière si scandaleuse, que Schmaltz fut obligé de le faire arrêter, pour la forme seulement ; car après avoir été consigné quelques jours chez le gouverneur, il fut rendu à la liberté, sans nul égard à l’indignation générale.

    Il ne suffisait point à Schmaltz de moissonner sur le commerce lucratif de la traite, il glanait encore sur le salaire des malheureux ouvriers, en les forçant de prendre en paiement des marchandises dont il fixait lui-même la valeur (*). Cette peccadille aurait pu rester long-temps impunie ; mais la traite dénoncée par le gouvernement anglais, força le ministère français à rappeler Schmaltz à Paris. À son arrivée, il rejeta l’odieux de cette dénonciation sur le lieutenant colonel Gavot, commandant de Gorée. Il calomnia ce brave officier, spectateur malévole des turpitudes qu’il était fort loin d’approuver. Nous avons eu sous les yeux une lettre de M. Gavot qui ne laisse aucun doute sur son innocence et sur la culpabilité de l’ex-passementier-ex-gouverneur. Mais tel est le train de ce monde, que M. Gavot est menacé dans sa vieillesse de la misère et de son hideux cortège, tandis que Schmaltz marche le front levé et assiège la commission chargée de l’acquisition de Chambord, pour être nommé architecte dirigeant les réparations qu’on doit y faire. S’il y parvient, on peut compter qu’au lieu d’architecture, il s’occupera beaucoup d’histoire naturelle. Voici une anecdote dont nous garantissons l’authenticité. L’amiral Linois, voulant obtenir une carte topographique d’une petite province de l’Inde, chargea Schmaltz d’aller faire les levées convenables. Les plaisirs de la table avaient plus de charmes pour lui que le maniement d’un graphomètre, et il n’arpentait que du
    ( *) Morenas, deuxième pétition, p. 36.