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CHAPITRE XII.

Saint-Louis, lui et quelques autres de nos compagnons, tout couverts de blessures, ne tenant plus à la vie que par un fil, furent couchés sur des lits de sangle, dont les matelas n’étaient que des couvertures de laine ployées en quatre, et garnis de draps d’une malpropreté dégoûtante. Les quatre officiers de troupe furent aussi placés dans une des salles de l’hôpital, et les soldats et matelots dans une autre salle voisine de la première, et couchés de la même manière que les officiers. Le soir de leur arrivée, le gouverneur, accompagné du commandant de la frégate et d’une nombreuse suite, vint leur rendre visite : l’air compatissant avec lequel il les aborda les toucha vivement. Dans ce premier moment, on leur promit des toiles de Guinée pour les vêtir, du vin pour rétablir leurs forces, des armes et des munitions pour les distraire, lorsqu’ils seraient en état de sortir. Promesses frivoles : ce ne fut qu’à la pitié des étrangers que, pendant cinq mois ils durent leur existence. Le gouverneur annonça son départ pour le camp de Daccard, en disant à ces tristes délaissés qu’il avait donné des ordres pour que rien ne leur manquât pendant son absence. Tous les Français en état de s’embarquer venaient de partir avec le gouverneur.

Livrés à eux-mêmes dans l’affreux séjour qu’ils habitaient ; entourés d’hommes auxquels leur cruelle position n’inspirait aucune pitié, nos compatriotes, encore une fois abandonnés, gémissaient et se répandaient en plaintes inutiles. En vain ils représentèrent