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NAUFRAGE DE LA MÉDUSE.

tice[1]. Ainsi donc, selon que les historiens du cœur humain l’ont trop souvent observé, il est plus facile de pardonner l’injure qu’on a reçue que celle que l’on a faite.

Voici un petit trait qui donnera de nouveau la mesure de la sensibilité des dames Chmaltz. Le 12 juillet, M. Valentin père reçut l’ordre de M. le gouverneur d’aller à bord de la corvette l’Écho pour y prendre ces dames et les ramener à Saint-Louis. M. Valentin montait une goélette qui remorquait une péniche dans laquelle il y avait huit sapftos (matelots noirs). Malgré le mauvais temps, M. Valentin parvint à franchir la barre du fleuve, et à une heure il fut rendu à la corvette. Les dames Chmaltz, et M. Coureau, leur aide-de-camp, s’embarquèrent de suite sur la goélette. Nous devons dire aussi qu’on n’oublia pas les fameuses malles qu’on avait sauvées du naufrage préférablement à des hommes. On fit de suite voile pour le Sénégal ; mais la barre était tellement grosse, qu’il y avait réellement beaucoup de dangers à la franchir dans un semblable moment ; aussi, à peine fut-on engagé que la remorque

  1. Il est vrai que cela n’est qu’ajourné, et que le jour où le règne de la loi cessera d’être illusoire, nous ferons traduire nos bourreaux devant la justice. Mais nous avons été trop généreux, et c’est pour cela qu’on nous opprime ! Cependant, nous ne devons pas nous dissimuler que nos assassins pourraient bien l’emporter sur leurs victimes, puisque les égorgeurs du maréchal Brune et des généraux Lagarde et Ramel respirent encore.