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CHAPITRE I.

les jeux des poissons, succédèrent tout-à-coup des cris arrachés par la pitié. Pendant quelques instans l’infortuné mousse se tint le long du bord à un bout de corde qu’il avait saisi en tombant ; mais la vitesse avec laquelle allait la frégate lui fit bientôt lâcher prise. On signala cet accident à l’Écho, qui était très-éloigné ; on voulut tirer un coup de canon pour appuyer le signal ; il n’y avait pas une seule pièce chargée. Au reste on lança la bouée de sauvetage[1] ; les voiles furent carguées et l’on mit en travers. Cette manœuvre fut longue ; il aurait fallu venir au vent dès qu’on cria : Un homme à la mer ! Il est vrai que quelqu’un annonça hautement de la batterie, qu’il était sauvé ; un matelot l’avait effectivement saisi par le bras, mais il avait été forcé de le lâcher, parce qu’il eût lui-même été entraîné. On mit cependant à la mer un canot de six avirons, dans lequel il n’y eut que trois hommes ; tout fut inutile. Cette embarcation, après avoir cherché à une certaine distance, revint à bord sans avoir même trouvé la bouée de sauvetage. Si ce malheureux jeune homme, qui parut assez bien nager, a eu la force de la gagner, il sera mort dessus,

  1. La bouée de sauvetage est un amas de pièces de liège, d’environ un mètre de diamètre, au centre de laquelle est un petit mât pour y frapper un pavillon. On la jette à la mer aussitôt qu’un homme y tombe, afin qu’il puisse s’y placer. On la retire au moyen d’une grande manœuvre à laquelle elle est amarrée ; par ce moyen on parvient à sauver le naufragé, sans arrêter totalement la marche du navire.