Page:Corréard, Savigny - Naufrage de la frégate La Méduse, 1821.djvu/24

Cette page a été validée par deux contributeurs.
24
NAUFRAGE DE LA MÉDUSE

mais très-faible : pendant quelques jours nous ne fîmes que fort peu de chemin.

Le 21 ou 22, nous doublâmes le cap Finistère. En dehors de cette pointe qui borne le golfe de Gascogne, la flûte la Loire et le brick l’Argus se séparèrent : ces navires marchant fort mal, il leur fut impossible de suivre la frégate, qui, pour les conserver, aurait été obligée d’amener ses perroquets et ses bonnettes.

L’Écho seul était encore en vue, mais à une grande distance, et forçant de voiles pour ne pas nous perdre. La frégate avait sur cette corvette une marche si supérieure, qu’avec une petite voilure non seulement elle la tenait, mais la dépassait encore d’une manière étonnante ; les vents avaient alors fraichi, et nous filions jusqu’à neuf nœuds[1].

Un accident malheureux vint troubler le plaisir que nous éprouvions d’être si favorisés par les vents : un mousse de 15 ans tomba à la mer par un des sabords de l’avant et du côté de bâbord. Dans ce moment beaucoup de personnes étaient rangées sur la poupe et les bastingages, et occupées à regarder les culbutes des marsouins.[2] Aux acclamations de joie produites par

  1. Il faut trois nœuds pour une lieue marine, qui est de 5556 mètres.
  2. Ce sont de très-gros poissons, qui à chaque instant reviennent à la surface de l’eau, où ils font de culbutes ; ils nagent avec une vitesse si étonnante, qu’ils font le tour d’un navire qui file neuf et même dix nœuds à l’heure.