Page:Corréard, Savigny - Naufrage de la frégate La Méduse, 1821.djvu/232

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
229
CHAPITRE X.

superstitieux que ceux qu’ils commandent ; il en est qui portent jusqu’à une vingtaine de ces gris-gris fixés au cou, aux bras et aux jambes.

Après une journée de séjour, le roi Zaïde arriva. Il n’avait aucun ornement qui le distinguât, mais il est d’une haute taille ; il a une physionomie ouverte, et trois grosses dents du côté gauche, faisant partie de la mâchoire supérieure, qui dépassent d’une ligne au moins sur la lèvre inférieure, ce que les Maures regardent comme une grande beauté. Il était armé d’un grand sabre, d’un poignard et d’une paire de pistolets ;


    de l’ouvrier, surtout lorsqu’on réfléchit à l’espèce et au petit nombre d’outils qu’il emploie.
    Les Maures, comme les noirs Mahométans, sont, pour la plupart, chargés d’une plus ou moins grande quantité de gris-gris, espèce de talismans qui consistent en paroles ou versets écrits du Coran, auxquels ils attribuent la propriété de les garantir de maladies, maléfices ou accidens, et qu’ils achètent de leurs prêtres ou marabous. Des Espagnols de Ténériffe, qui vinrent au Cap-Vert lorsque l’expédition française y était réfugiée, nous frappèrent tous par leur ressemblance avec ces Africains. Ce n’était pas seulement par leur teint rembruni qu’ils s’en rapprochaient ; mais c’était aussi par leurs longs chapelets contournés de même autour du bras, à la croix très conformes à ceux des Maures, par le grand nombre d’amulettes ou de gris-gris d’une autre espèce qu’ils portaient au cou, et par lesquels ils semblaient vouloir rivaliser de crédulité avec les infidèles. Il existe donc encore dans le sud de l’Europe, comme dans le nord de l’Afrique, une classe d’hommes qui voudrait tenir son autorité de l’ignorance, et fonder ses revenus sur la superstition.