Page:Corréard, Savigny - Naufrage de la frégate La Méduse, 1821.djvu/219

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
216
NAUFRAGE DE LA MÉDUSE.

jours. Un instant après son départ, M. Rogery prit la même résolution que notre naturaliste, et suivit une route parallèle à celle que parcourait M. Kummer. Celui-ci marcha toute la journée sans rencontrer personne : vers le soir, il aperçut au loin des feux qui couronnaient les hauteurs qui ordinairement bordent les marigots. Il tressaillit de joie et conçut l’espérance de rencontrer enfin des Maures qui voudraient bien le conduire à l’île Saint-Louis et lui donner des alimens dont il avait un pressant besoin. Il s’avança d’un pas ferme et rapide, et aborda les Maures qui étaient sous leurs tentes, avec beaucoup d’assurance, en prononçant, tant bien que mal, quelques mots d’arabe, dont il avait eu des leçons, et qu’il accompagnait de profonds saluts. « Recevez, leur dit-il, sous vos tentes, le fils d’une infortunée mahométane que je vais rejoindre dans la Haute-Égypte. Un naufrage m’a jeté sur vos côtes, et je viens au nom du grand Prophète vous demander l’hospitalité et des secours ». Au nom du grand Prophète, M. Kummer se prosterna la face contre terre et fit le salut d’usage ; les Maures en firent autant, et ne doutèrent plus qu’ils n’eussent devant les yeux un sectateur de Mahomet. Ils l’accueillirent avec joie et le prièrent d’entrer dans leurs tentes et de leur raconter en abrégé ses aventures. Du lait, des couscous lui furent aussi présentés, et cette nourriture lui redonna des forces. Ce fut alors que les Maures lui firent promettre qu’il les conduirait à l’endroit où était échouée la grande chaloupe ; ils con-