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CHAPITRE IX.

les douleurs humaines, il ne manquait plus aux pauvres captifs que les angoisses de l’espoir déçu ; ils les éprouvèrent le 17. Au lever du soleil, on aperçoit un navire, on le voit forcer de voile vers la côte ; il approche rapidement : on reconnaît le pavillon français ; tous les cœurs palpitent de désir et d’espérance ; chacun s’empresse de faire des signaux ; le navire s’approche toujours, et tout à coup, changeant de route, il s’éloigne, disparaît, et laisse les Français confondus, froudroyés.

C’était l’Argus, qui cherchait les naufragés pour les ramener au Sénégal, mais il n’avait pas vu les signaux qu’on lui faisait du rivage. Ce fut un bonheur pour les naufragés du radeau, car ayant continué sa route, il les rencontra par hasard ce jour là même, au moment où ils allaient expirer de besoin.

La caravane se remit en route. Le 18 et le 19 on fut réduit à boire de l’urine de chameau, mêlée avec un peu de lait, et l’on trouva cette boisson préférable aux eaux du désert.

Enfin, le 19 on rencontra un marabou qui annonça l’arrivée prochaine de M. Karnet, dont on a déjà parlé. M. Karnet, toujours en habit de Maure, et monté sur un chameau, parut bientôt avec quatre autres marabous. Ce philantrope Irlandais venait à travers mille périls apporter aux naufragés des vivres qu’il leur distribua en arrivant. Personne n’ayant la patience de laisser cuire le riz, on l’avala tout cru ; et aux tourmens de la faim succédèrent de doulou-