Page:Corréard, Savigny - Naufrage de la frégate La Méduse, 1821.djvu/210

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
208
NAUFRAGE DE LA MÉDUSE.

Selon M. Lerouge, le chef de la tribu avait la taille moyenne, mais bien prise, la figure noble, le front très-haut, les cheveux courts et bouclés, une barbe d’environ deux pouces, un costume ressemblant à celui des anciens Romains, avec la démarche d’un homme libre sur la terre de l’esclavage. Il portait un cimeterre turc, quatre ou cinq poignards, et, par-dessus ses autres vêtemens, un grand manteau à capuchon, formé de plusieurs peaux de chèvres.

Il voulut savoir le pays des naufragés, d’où ils venaient, où ils allaient ; comment ils étaient parvenus à la côte ; ce que contenait leur vaisseau ; ce qu’il était devenu, etc. Satisfait sur tous ces points, il consentit à conduire les naufragés au gouverneur du Sénégal, à condition qu’on lui donnerait des toiles de Guinée, de la poudre, des fusils, du tabac. Il leur fit distribuer un peu de poisson, déjà fourmillant de vers, et donna le signal du départ.

Vers onze heures du soir, on trouva des cabanes, ou plutôt des cavernes creusées dans le sable, que soutenaient des ronces, dont les rameaux et les racines s’étendaient fort loin. C’était l’empire du chef qui conduisait les naufragés ! Pourtant, ils purent à peine obtenir un peu d’eau saumâtre et bourbeuse. Pendant deux heures ils cherchèrent le sommeil, et pendant deux heures, les femmes et les enfans, acharnés après eux comme des insectes importuns qu’on n’oserait écraser, ne leur permirent point de clore la paupière. Enfin, n’y pouvant plus tenir, ils demandèrent à se remettre en route.