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NAUFRAGE DE LA MÉDUSE.

« Vers la fin du jour, le pays change un peu d’aspect ; les dunes s’abaissent, nous apercevons dans le lointain une surface d’eau, nous croyons, et ce n’est pas pour nous une satisfaction légère, que c’est le Sénégal qui faisait un coude en cet endroit pour couler parallèlement à la mer. De ce coude s’échappe le bras du fleuve appelé le Marigot des Maringoins : pour le passer un peu plus haut, nous quittons le bord de la mer. Nous arrivons dans un endroit où il se trouvait un peu de verdure et de l’eau : ou résolut d’y rester jusqu’à minuit.

« À peine y étions nous que nous voyons venir un Anglais nommé Karnet, et trois ou quatre marabous ( prêtres de ce pays). Ils ont des chameaux : ils sont envoyés sons doute par le gouverneur anglais du Sénégal à la recherche des naufragés. On fait partir aussitôt un des chameaux chargé de vivres. Ceux qui le conduisent iront, s’il le faut, jusqu’à Portendic réclamer nos compagnons d’infortune, ou au moins en savoir des nouvelles.

« L’envoyé anglais a de l’argent pour nous acheter des vivres. Il nous annonce encore trois jours de marche jusqu’au Sénégal. Nous pensions en être plus près : les plus fatigués sont effrayés de cette grande distance. Nous dormons tous réunis sur le sable. On ne laisse personne s’éloigner, à cause des lions qui, dit-on, étaient dans cette contrée. Cette crainte ne me tourmente guère, et ne m’empêche pas de dormir assez bien.