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CHAPITRE VII.

mort en nous enlevant de dessus notre radeau ; leurs soins empressés ranimèrent chez nous le feu de la vie. Le chirurgien du bord, M. Renaud, se signala par un zèle infatigable. Il fut obligé de passer la journée entière à panser nos blessures ; et pendant les deux jours que nous restâmes sur le brick, il nous prodigua tous les secours de son art avec une attention et une douceur qui méritent de notre part une éternelle reconnaissance.

Il était vraiment temps que nous trouvassions un terme à nos souffrances ; elles duraient depuis treize jours d’une manière cruelle. Les plus vigoureux d’entre nous pouvaient vivre encore deux fois vingt-quatre heures au plus. M. Corréard sentait qu’il devait terminer sa carrière dans cette journée même ; il avait cependant un pressentiment que nous serions sauvés ; il disait qu’une série d’événemens si inouis ne devaient pas rester plongés dans l’oubli ; que la Providence conserverait au moins quelques-uns de nous, pour retracer aux hommes le tableau déchirant de nos malheureuses aventures.

Par combien d’épreuves terribles n’avons-nous pas passé ! Quels sont les hommes qui peuvent dire avoir été plus malheureux que nous ?

La manière dont nous fûmes sauvés est vraiment miraculeuse : le doigt de la Divinité est marqué d’une manière puissante dans cet événement si fortuné pour nous.

Le brick l’Argus avait été expédié du Sénégal pour