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CHAPITRE VII.

Le 17 au matin, le soleil parut dégagé de tous nuages. Après avoir adressé nos prières à l’Éternel, nous partageâmes une partie de notre vin ; chacun savourait avec délices sa faible portion, lorsqu’un capitaine d’infanterie jetant ses regards à l’horizon, aperçut un navire, et nous l’annonça par un cri de joie. Nous reconnûmes que c’était un brick ; mais il était à une grande distance : nous ne pouvions distinguer que les extrémités de ses mâts. La vue de ce bâtiment répandit parmi nous une allégresse difficile à dépeindre ; chacun de nous croyait son salut certain, et nous rendîmes à Dieu mille actions de grâces. Cependant des craintes venaient se mêler à nos espérances ; nous redressâmes des cercles de barrique, aux extrémités desquels nous fixâmes des mouchoirs de différentes couleurs. Un homme avec nos secours réunis, monta au haut du mât, et agitait ces petits pavillons. Pendant plus d’une demi-heure, nous flottâmes entre l’espoir et la crainte ; les uns croyaient voir grossir le navire, et les autres assuraient que sa bordée le portait au large de nous. Ces derniers étaient les seuls dont les yeux n’étaient pas fascinés par l’espérance, car le brick disparut[1]. Du dé-

  1. M. Géricault a fait sur cette épisode un tableau dont voici la description.

    Le groupe principal est composé de M. Savigny au pied du mât, et de M. Corréard, dont le bras étendu vers l’horizon et la tête tournée vers M. Savigny, indique à celui-ci le côté où se dirige un bâtiment aperçu au large par deux matelots, qui lui fout des signaux avec des lambeaux d’étoffes de couleur.