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CHAPITRE V.

qu’on voulait jeter le vin à la mer, et que les barriques étaient déjà presque démarrées, il avait pris le parti de se placer sur l’une d’elles, où, suivant l’impulsion de la vague, il était continuellement ballotté ; mais il n’avait point lâché prise. Son exemple en entraîna quelques autres qui saisirent la seconde pièce et restèrent pendant plusieurs heures à ce poste dangereux. Après bien des peines, ils étaient parvenus à conserver ces deux barriques, qui, à chaque instant, poussées avec violence sur leurs jambes, leur faisaient de graves contusions : ne pouvant plus y tenir, ils firent des représentations à ceux qui, avec M. Savigny, employaient tous leurs efforts pour maintenir l’ordre et conserver le radeau ; quelques-uns de leurs camarades vinrent alors les remplacer ; mais ceux ci trouvant ce service trop pénible, et, étant assaillis par les rebelles, avaient abandonné le poste. Après leur retraite les barriques furent envoyées à la mer.

Deux pièces de vin avaient déjà été consommées la veille. Il ne nous en restait plus qu’une ; et nous étions soixante et quelques hommes : il fallut se mettre à la demi-ration.

Au jour, la mer se calma, ce qui nous permit de


    avaient fait un large trou, et l’eau de mer y pénétra ; en sorte que l’eau douce fut entièrement gâtée : nous conservâmes cependant le petit tonneau, aussi bien qu’une des barriques de vin qui était vide. Ces deux futailles nous servirent dans la suite comme on verra.