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CHAPITRE V.

Après ces différens combats, accablés de lassitude, de besoin et de sommeil, nous essayâmes de prendre

    article Calenture, ou IIe cahier des Annales des Faits et Sciences militaires, article Calenture, du docteur Fournier.)
    Dans une thèse présentée et soutenue à la faculté de médecine de Paris, en 1818, M. Savigny a émis les réflexions suivantes :
    « Il y a beaucoup d’analogie entre le premier symptôme indiqué dans cet article et ce que j’ai observé. C’est effectivement pendant la nuit qu’éclata la démence qui nous frappa ; et dès que le jour venait nous éclairer, nous étions beaucoup plus calmes : mais l’obscurité ramenait le désordre dans nos cerveaux affaiblis. J’ai eu lieu de remarquer sur moi-même que mon imagination était beaucoup plus exaltée dans le silence des nuits : alors tout me paraissait extraordinaire et fantastique. L’individu se réveille, privé de l’usage de sa raison ; son regard étincelant, ses gestes menaçans expriment la fureur, etc. etc. Cette disposition n’était pas constante chez tous les individus qui m’entouraient. Pendant l’espèce de sommeil dans lequel j’étais plongé, à mon réveil même j’appréciais, d’une manière bien confuse à la vérité, toute l’étendue du danger auquel j’étais exposé, et je cherchais à éloigner de moi les songes trompeurs qui m’assiégeaient. Beaucoup de nos compagnons que j’ai interrogés ont éprouvé les mêmes sensations que moi, mais d’autres devenaient complètement aliénés. »
    Tout ce qui est rapporté par le peu d’écrivains qui ont vu la calenture, prouve qu’elle n’est point, ainsi que l’ont pensé plusieurs médecins, le produit d’un coup de soleil : l’époque toujours nocturne de son invasion, et l’absence des signes extérieurs de l’insolation ruinent entièrement cette hypothèse vulgaire. Les faits recueillis concourent