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POLYEUCTE.


En d’étranges frayeurs ainsi que toi me plonge !
Que j’en crains les effets qui semblent s’approcher !

PAULINE.

Quelle subite alarme ainsi vous peut toucher ?

FÉLIX.

Sévère n’est point mort.

PAULINE.

Sévère n’est point mort.Quel mal vous fait sa vie ?

FÉLIX.

Il est le favori de l’empereur Décie.

PAULINE.

Après l’avoir sauvé des mains des ennemis,
L’espoir d’un si haut rang lui devenait permis ;
Le destin, aux grands cœurs si souvent mal propice,
Se résout quelquefois à leur faire justice.

FÉLIX.

Il vient ici lui-même.

PAULINE.

Il vient ici lui-même.Il vient !

FÉLIX.

Il vient ici lui-même. Il vient !Tu le vas voir.

PAULINE.

C’en est trop ; mais comment le pouvez-vous savoir ?

FÉLIX.

Albin l’a rencontré dans la proche campagne ;
Un gros de courtisans en foule l’accompagne,
Et montre assez quel est son rang et son crédit :
Mais, Albin, redis-lui ce que ses gens t’ont dit.

ALBIN.

Vous savez quelle fut cette grande journée,
Que sa perte pour nous rendit si fortunée,
Où l’empereur captif, par sa main dégagé,
Rassura son parti déjà découragé,
Tandis que sa vertu succomba sous le nombre ;
Vous savez les honneurs qu’on fit faire à son ombre,
Après qu’entre les morts on ne le put trouver :
Le roi de Perse aussi l’avoit fait enlever.
Témoin de ses hauts faits et de son grand courage,