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PALMIS.

Je le sais ; mais, Seigneur, qui vous peut engager
Aux soins de le punir et de vous en venger ?
Quand son grand cœur charmé d’une belle princesse
En a su mériter l’estime et la tendresse,
675Quel dieu, quel bon génie a dû lui révéler
Que le vôtre pour elle aimeroit à brûler ?
À quels traits ce rival a-t-il dû le connoître,
Respecter de si loin des feux encore à naître,
Voir pour vous d’autres fers que ceux où vous viviez,
680Et lire en vos destins plus que vous n’en saviez ?
S’il a vu la conquête à ses vœux exposée,
S’il a trouvé du cœur la sympathie aisée,
S’être emparé d’un[1] bien où vous n’aspiriez pas,
Est-ce avoir fait des vols et des assassinats ?

PACORUS.

685Je le vois bien, Madame, et vous et ce cher frère
Abondez en raisons pour cacher le mystère :
Je parle, promets, prie, et je n’avance rien.
Aussi votre intérêt est préférable au mien ;
Rien n’est plus juste ; mais…

PALMIS.

Rien n’est plus juste ; mais…Seigneur…

PACORUS.

Rien n’est plus juste ; mais…Seigneur…Adieu, madame :
690Je vous fais trop jouir des troubles de mon âme.
Le ciel se lassera de m’être rigoureux.

PALMIS.

Seigneur, quand vous voudrez, il fera quatre heureux[2].


FIN DU SECOND ACTE.
  1. L’édition de 1692 porte : « S’être emparé du bien. »
  2. La même situation et une pensée analogue se trouvaient déjà dans Tite et Bérénice. Domitian y dit à Bérénice (acte III, scène ii, vers 799 et 800) :
    Les scrupules d’État, qu’il falloit mieux combattre,
    Assez et trop longtemps nous ont gênés tous quatre.