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À vous les[1] refuser je croirois faire un crime ;
Pour le cœur, si je puis vous le dire entre nous,
500Je ne m’aperçois point qu’il soit encore à vous.

PACORUS.

Ainsi donc ce traité qu’ont fait les deux couronnes…

EURYDICE.

S’il a pu l’une à l’autre engager nos personnes,
Au seul don de la main son droit est limité,
Et mon cœur avec vous n’a point fait de traité.
505C’est sans vous le devoir que je fais mon possible
À le rendre pour vous plus tendre et plus sensible :
Je ne sais si le temps l’y pourra disposer ;
Mais qu’il le puisse ou non, vous pouvez m’épouser.

PACORUS.

Je le puis, je le dois, je le veux ; mais, Madame,
510Dans ces tristes froideurs dont vous payez ma flamme,
Quelque autre amour plus fort…

EURYDICE.

Quelque autre amour plus fort…Qu’osez-vous demander,
Prince ?

PACORUS.

Prince ?De mon bonheur ce qui doit décider.

EURYDICE.

Est-ce un aveu qui puisse échapper à ma bouche ?

PACORUS.

Il est tout échappé, puisque ce mot vous touche.
515Si vous n’aviez du cœur fait ailleurs l’heureux don,
Vous auriez moins de gêne à me dire que non ;
Et pour me garantir de ce que j’appréhende,
La réponse avec joie eût suivi la demande.
Madame, ce qu’on fait sans honte et sans remords
520Ne coûte rien à dire, il n’y faut point d’efforts ;
Et sans que la rougeur au visage nous monte…

  1. L’édition de 1682 porte : « À vous le refuser. »