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Forment le plus brillant et plus noble assemblage
370Qui puisse orner une âme et parer un visage.
Je n’en dis que ce mot ; et vous savez assez
Quels en sont les attraits, vous qui la connoissez.
Cette princesse donc, si belle, si parfaite,
Je crains qu’elle n’ait pas ce que plus je souhaite :
375Qu’elle manque d’amour, ou plutôt que ses vœux
N’aillent pas tout à fait du côté que je veux.
Vous qui l’avez tant vue, et qu’un devoir fidèle
A tenu si longtemps près de son père et d’elle,
Ne me déguisez point ce que dans cette cour
380Sur de pareils soupçons vous auriez eu de jour.

SURÉNA.

Je la voyois, Seigneur, mais pour gagner son père :
C’étoit tout mon emploi, c’étoit ma seule affaire ;
Et je croyois par elle être sûr de son choix ;
Mais Rome et son intrigue eurent le plus de voix.
385Du reste, ne prenant intérêt à m’instruire
Que de ce qui pouvoit vous servir ou vous nuire,
Comme je me bornois à remplir ce devoir,
Je puis n’avoir pas vu ce qu’un autre eût pu voir.
Si j’eusse pressenti que la guerre achevée,
390À l’honneur de vos feux elle étoit réservée,
J’aurois pris d’autres soins, et plus examiné ;
Mais j’ai suivi mon ordre, et n’ai point deviné.

PACORUS.

Quoi ? de ce que je crains vous n’auriez nulle idée ?
Par aucune ambassade on ne l’a demandée ?
395Aucun prince auprès d’elle, aucun digne sujet
Par ses attachements n’a marqué de projet ?
Car il vient quelquefois du milieu des provinces
Des sujets en nos cours qui valent bien des princes ;
Et par l’objet présent les sentiments émus
400N’attendent pas toujours des rois qu’on n’a point vus.