Je veux l’aimer, je l’aime ; et sa seule beauté
Pouvoit me consoler de ce que j’ai quitté.
Elle seule en ses yeux porte de quoi contraindre
Mes feux à s’assoupir, s’ils ne peuvent s’éteindre,
De quoi flatter mon âme, et forcer mes douleurs
À souhaiter du moins de n’aimer plus ailleurs.
Mais je ne vois pas bien que j’en sois encor maître :
Dès que ma flamme expire, un mot la fait renaître,
Et mon cœur malgré moi rappelle un souvenir
Que je n’ose écouter et ne saurois bannir.
Ma raison s’en veut faire en vain un sacrifice :
Tout me ramène ici, tout m’offre Bérénice ;
Et même je ne sais par quel pressentiment
Je n’ai souffert personne en son appartement ;
Mais depuis cet adieu, si cruel et si tendre,
Il est demeuré vide, et semble encor l’attendre.
Va, fais porter mon ordre à ses ambassadeurs :
C’est trop entretenir d’inutiles ardeurs ;
Il est temps de chercher qui m’en puisse distraire,
Et le ciel à propos envoie ici mon frère.
Irez-vous au sénat ?
Sur ce déluge ardent qui nous a fait trembler,
Et pourvoir sous mon ordre aux affreuses ruines
Dont ses feux ont couvert les campagnes voisines[1].
- ↑ Voyez ci-après, p. 247, la note 2 du vers 1112. Après l’éruption du Vésuve, Titus tira au sort, parmi les consulaires, des curateurs chargés de soulager les maux de la Campanie. (Suétone, Titus, chapitre viii.)