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Entre les bras d’un autre un autre amour la livre :
Elle suit mon exemple, et se plaît à le suivre :
Et ne m’envoie ici traiter de souverain
Que pour braver l’amant qu’elle charmoit en vain.

FLAVIAN.

375Si vous la revoyiez, je plaindrois Domitie.

TITE.

Contre tous ses attraits ma raison endurcie
Feroit de Domitie encor la sûreté ;
Mais mon cœur auroit peu de cette dureté.
N’aurois-tu point appris qu’elle fût infidèle,
380Qu’elle écoutât les rois qui soupirent pour elle ?
Dis-moi que Polémon[1] règne dans son esprit,
J’en aurai du chagrin, j’en aurai du dépit,
D’une vive douleur j’en aurai l’âme atteinte ;
Mais j’épouserai l’autre avec moins de contrainte ;
385Car enfin elle est belle, et digne de ma foi ;
Elle auroit tout mon cœur, s’il étoit tout à moi.
La noblesse du sang, la grandeur de courage,
Font avec son mérite un illustre assemblage :
C’est le choix de mon père ; et je connois trop bien
390Qu’à choisir en César ce doit être le mien.
Mais tout mon cœur renonce à lui faire justice,
Dès que mon souvenir lui rend sa Bérénice.

FLAVIAN.

Si de tels souvenirs vous sont encor si doux,
L’hyménée a, Seigneur, peu de charmes pour vous.

TITE.

395Si de tels souvenirs ne me faisoient la guerre,
Seroit-il potentat plus heureux sur la terre ?
Mon nom par la victoire est si bien affermi,

  1. Polémon, roi de Cilicie. Voyez ci-dessus, p. 194, note, et plus loin, p. 245, note 1.