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95Néron périt enfin. Trois empereurs de suite[1]
Virent de leur fortune une assez prompte fuite.
L’Orient de leurs noms fut à peine averti,
Qu’il fit Vespasian chef d’un plus fort parti.
Le ciel l’en avoua : ce guerrier magnanime
100Par Tite, son aîné, fit assiéger Solyme ;
Et tandis qu’en Égypte il prit d’autres emplois,
Domitian ici vint dispenser ses lois.
Je le vis et l’aimai. Ne blâme point ma flamme :
Rien de plus grand que lui n’éblouissoit mon âme ;
105Je ne voyais point Tite, un hymen me l’ôtoit ;
Mille soupirs aidoient au rang qui me flattoit.
Pour remplir tous nos vœux nous n’attendions qu’un père :
Il vint, mais d’un esprit à nos vœux si contraire,
Que quoi qu’on lui pût dire, on n’en put arracher
110Ce qu’attendoit un feu qui nous était si cher.
On n’en sut point la cause ; et divers bruits coururent,
Qui tous à notre amour également déplurent.
J’en eus un long chagrin. Tite fit tôt après
De Bérénice à Rome admirer les attraits.
115Pour elle avec Martie il avoit fait divorce[2] ;
Et cette belle reine eut sur lui tant de force,
Que pour montrer à tous sa flamme, et hautement,
Il lui fit au palais prendre un appartement[3].
L’Empereur, bien qu’en l’âme il prévît quelle haine
120Concevroit tout l’état pour l’époux d’une reine,
Sembla voir cet amour d’un œil indifférent,
Et laisser un cours libre aux flots de ce torrent.

  1. Galba, Othon et Vitellius, qui régnèrent en 68 et 69, et dont les trois règnes réunis ne durèrent que dix-huit mois.
  2. Suétone, au chapitre iv de la Vie de Titus, dit que sa seconde femme se nommait Marcia Furnilla, et que Titus, après en avoir eu une fille, fit divorce avec elle.
  3. Il est dit dans le premier extrait de Xiphilin que Bérénice habita dans le palais : habitavit in palatio : voyez ci-dessus, p. 197.