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Voilà des vérités qu’il ne peut déguiser,
1370Et l’aveu qu’il te faut pour te désabuser.

RODELINDE.

Veux-tu pour t’éclaircir de plus illustres marques[1] ?
Veux-tu mieux voir le sang de nos premiers monarques ?
Ce grand cœur…

GRIMOALD.

Ce grand cœur…Oui, Madame, il est fort bien instruit
À montrer de l’orgueil et fourber à grand bruit.
1375Mais si par son aveu la fourbe reconnue
Ne détrompe aujourd’hui la populace émue,
Qu’il prépare sa tête, et vous-même en ce lieu
Ne pensez qu’à lui dire un éternel adieu.

  1. Var. Je connois mon époux à ces illustres marques :
    C’est lui, c’est le vrai sang de nos premiers monarques ;
    C’est… GRIM. C’est à présent lui, quand il est mieux instruit
    À montrer plus d’orgueil et faire plus de bruit !
    Dans l’inégalité qui sort de votre bouche,
    Quel de vos sentiments voulez-vous qui me touche ?
    Ce n’est pas lui, c’est lui, c’est ce que vous voudrez,
    Mais je n’en croirai pas ce que vous résoudrez,
    Si par son propre aveu la fourbe reconnue
    Ne détrompe à mes yeux la populace émue :
    Pensez-y bien, Madame, et dans ce même lieu
    Dites-lui, s’il n’avoue, un éternel adieu.
    [Laissons-les seuls, Unulphe, et demeure à la porte ;]
    Qu’aucun sans mon congé n’entre ici, ni n’en sorte.

    SCÈNE V.

    PERTHARITE, RODELINDE.

    ROD. Le coup qui te menace est sensible pour moi ;
    Mais n’attends point de pleurs, puisque tu meurs en roi.
    Mon amour généreux hait ces molles bassesses
    [Où d’un sexe craintif descendent les foiblesses.]
    Dedans ce cœur de femme il a su s’affermir :
    Je la suis pour t’aimer, et non pas pour gémir ;
    Et ma douleur, pressée avecque violence,
    [Se résout toute entière en ardeur de vengeance,]
    Et n’arrête mes yeux sur ton funeste sort
    Que pour sauver ta vie, ou pour venger ta mort. (1653-56)