Le soutient d’autant mieux qu’il ne voit rien à craindre ;
Car soit que ses discours puissent vous émouvoir
Jusqu’à rendre Édüige à son premier pouvoir ;
Soit que malgré sa fourbe et vaine et languissante,
Rodelinde sur vous reste toute-puissante,
À l’une ou l’autre enfin votre âme à l’abandon
Ne lui pourra jamais refuser ce pardon.
Tu dis vrai, Garibalde, et déjà je le donne
À qui voudra des deux partager ma couronne :
Non que j’espère encore amollir ce rocher,
Que ni respects ni vœux n’ont jamais su toucher.
Si j’aimai Rodelinde, et si pour n’aimer qu’elle,
Mon âme à qui m’aimoit s’est rendue infidèle ;
Si d’éternels dédains, si d’éternels ennuis,
Les bravades, la haine, et le trouble où je suis,
Ont été jusqu’ici toute la récompense
De cet amour parjure où mon cœur se dispense[1],
Il est temps désormais que par un juste effort
J’affranchisse mon cœur de cet indigne sort.
Prenons l’occasion que nous fait Édüige :
Aimons cette imposture où son amour l’oblige.
Elle plaint un ingrat de tant de maux soufferts,
Et lui prête la main pour le tirer des fers[2].
Aimons, encore un coup, aimons son artifice,
Aimons-en le secours, et rendons-lui justice.