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On vous aura fait peur, ou de la mort d’un fils,
Ou de ce qu’un tyran se croit être permis,
835Et l’on fera courir quelque mauvaise excuse
Dont la cour s’éblouisse et le peuple s’abuse.
Mais cependant ce cœur que vous m’abandonniez…

RODELINDE.

Il n’est pas temps encore que vous vous en plaigniez :
Comme il m’a fait des lois, j’ai des lois à lui faire.

ÉDÜIGE.

840Il les acceptera pour ne vous pas déplaire ;
Prenez-en sa parole, il sait bien la garder[1].

RODELINDE.

Pour remonter au trône on peut tout hasarder.
Laissez-m’en, quoi qu’il fasse, ou la gloire ou la honte,
Puisque ce n’est qu’à moi que j’en dois rendre conte[2].
845Si votre cœur souffroit ce que souffre le mien,
Vous ne vous plairiez pas en un tel entretien ;
Et votre âme à ce prix voyant un diadème,
Voudroit en liberté se consulter soi-même.

ÉDÜIGE.

Je demande pardon si je vous fais souffrir,
850Et vais me retirer pour ne vous plus aigrir.

RODELINDE.

Allez, et demeurez dans cette erreur confuse :
Vous ne méritez pas que je vous désabuse.

ÉDÜIGE.

Ce cher amant sans moi vous entretiendra mieux,
Et je n’ai plus besoin de[3] rapport de mes yeux.

  1. Var. Prenez-en sa parole, il la garde fort bien,
    Et vous promettra tout pour ne vous tenir rien.
    ROD. Laissez-m’en, quoi qu’il fasse, ou la gloire ou la honte. (1653-56)
  2. Voyez tome I, p. 150, note 1.
  3. Tel est le texte de toutes les éditions publiées du vivant de l’auteur. Thomas Corneille, et après lui Voltaire, ont substitué du à de.