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1580Je n’aurai qu’à parler pour être contredit.
Pison, dont l’heureux choix est votre digne ouvrage,
Ne seroit que Pison s’il eût eu mon suffrage.
Vous n’avez soulevé Martian contre Othon
Que parce que ma bouche a proféré son nom ;
1585Et verriez comme un autre une preuve assez claire
De combien votre avis est le plus salutaire,
Si vous n’aviez fait vœu d’être jusqu’au trépas
L’ennemi des conseils que vous ne donnez pas.

LACUS.

Et vous l’ami d’Othon, c’est tout dire ; et peut-être
1590Qui le vouloit pour gendre et l’a choisi pour maître,
Ne fait encor de vœux[1] qu’en faveur de ce choix,
Pour l’avoir et pour maître et pour gendre à la fois[2].

VINIUS.

J’étois l’ami d’Othon, et le tenois à gloire
Jusqu’à l’indignité d’une action si noire,
1595Que d’autres nommeront l’effet du désespoir
Où l’a, malgré mes soins, plongé votre pouvoir.
Je l’ai voulu pour gendre, et choisi pour l’empire ;
À l’un ni l’autre choix vous n’avez pu souscrire.
Par là de tout l’état le bonheur s’agrandit ;
1600Et vous voyez aussi comme il vous applaudit.

GALBA.

Qu’un prince est malheureux quand de ceux qu’il écoute
Le zèle cherche à prendre une diverse route,
Et que l’attachement qu’ils ont au propre sens
Pousse jusqu’à l’aigreur des conseils différents !
1605Ne me trompé-je point ? et puis-je nommer zèle
Cette haine à tous deux obstinément fidèle,

  1. Dans l’édition de Voltaire (1764) : « des vœux. »
  2. Repugnantem huic sententiæ Vinium Laco minaciter invasit, stimulante Icelo, privati odii pertinacia, in publicum exitium. (Tacite, Histoires, livre I, chapitre xxxiii.)