Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 6.djvu/640

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

OTHON.

Je n’ai donc qu’à mourir. Je l’ai voulu, Madame,
Quand je l’ai pu sans crime, en faveur de ma flamme ;
1175Et je le dois vouloir, quand votre arrêt cruel
Pour mourir justement m’a rendu criminel.
Vous m’avez commandé de m’offrir à Camille ;
Grâces à nos malheurs ce crime est inutile.
Je mourrai tout à vous ; et si pour obéir
1180J’ai paru mal aimer, j’ai semblé vous trahir,
Ma main, par ce même ordre à vos yeux enhardie,
Lavera dans mon sang ma fausse perfidie.
N’enviez pas, Madame, à mon sort inhumain
La gloire de finir du moins en vrai Romain,
1185Après qu’il vous a plu de me rendre incapable
Des douceurs de mourir en amant véritable.

PLAUTINE.

Bien loin d’en condamner la noble passion,
J’y veux borner ma joie et mon ambition.
Pour de moindres malheurs[1] on renonce à la vie.
1190Soyez sûr de ma part de l’exemple d’Arrie[2] :
J’ai la main aussi ferme et le cœur aussi grand,
Et quand il le faudra, je sais comme on s’y prend.
Si vous daigniez, seigneur, jusque-là vous contraindre,
Peut-être espérerois-je en voyant tout à craindre.
1195Camille est irritée et se peut apaiser.

OTHON.

Me condamneriez-vous, madame, à l’épouser ?

PLAUTINE.

Que n’y puis-je moi-même opposer ma défense !

  1. L’édition de 1682 donne seule : « Pour des moindres malheurs. » Voyez plus haut le vers 487 et la note qui s’y rapporte.
  2. On sait qu’Arrie, femme de Cécina Pétus, complice de Scribonius qui avait conspiré contre Claude, se frappa d’un poignard, et le tendit ensuite à son mari, en lui disant : « Pétus, cela ne fait point de mal. » Voyez Pline le jeune, livre III, lettre xvi.