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MARTIAN.

Quels vœux et quel espoir ? Cet important service,
Qu’un si profond respect vous offre en sacrifice…

PLAUTINE.

Eh bien ! il remplira mes désirs les plus doux ;
Mais pour reconnaissance enfin que voulez-vous ?

MARTIAN.

La gloire d’être aimé.

PLAUTINE.

La gloire d’être aimé. De qui ?

MARTIAN.

465La gloire d’être aimé. De qui ? De vous, Madame.

PLAUTINE.

De moi-même ?

MARTIAN.

De moi-même ? De vous : j’ai des yeux, et mon âme…

PLAUTINE.

Votre âme, en me faisant cette civilité,
Devrait l’accompagner de plus de vérité :
On n’a pas grande foi pour tant de déférence,
470Lorsqu’on voit que la suite a si peu d’apparence.
L’offre sans doute est belle, et bien digne d’un prix,
Mais en le choisissant vous vous êtes mépris :
Si vous me connoissiez, vous feriez mieux paroître…

MARTIAN.

Hélas ! mon mal ne vient que de vous trop connoître.
475Mais vous-même, après tout, ne vous connaissez pas,
Quand vous croyez si peu l’effet de vos appas.
Si vous daigniez[1] savoir quel est votre mérite,
Vous ne douteriez point de l’amour qu’il excite.
Othon m’en sert de preuve : il n’avait rien aimé,
480Depuis que de Poppée il s’étoit vu charmé ;

  1. L’édition de 1682 porte seule daignez, pour daigniez.