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VINIUS.

Je veux que cet espoir à d’autres soit permis,
Mais êtes-vous fort sûr qu’ils soient de nos amis ?
Savez-vous mieux que moi s’ils plairont à Camille ?

OTHON.

210Et croyez-vous pour moi qu’elle soit plus facile ?
Pour moi, que d’autres vœux…

VINIUS.

Pour moi, que d’autres vœux… À ne vous rien celer,
Sortant d’avec Galba, j’ai voulu lui parler :
J’ai voulu sur ce point pressentir sa pensée ;
J’en ai nommé plusieurs pour qui je l’ai pressée.
215À leurs noms, un grand froid, un front triste, un œil bas,
M’ont fait voir aussitôt qu’ils ne lui plaisaient pas ;
Au vôtre elle a rougi, puis s’est mise à sourire,
Et m’a soudain quitté sans me vouloir rien dire.
C’est à vous, qui savez ce que c’est que d’aimer,
220À juger de son cœur ce qu’on doit présumer.

OTHON.

Je n’en veux rien juger[1], seigneur ; et sans Plautine
L’amour m’est un poison, le bonheur m’assassine ;
Et toutes les douceurs du pouvoir souverain
Me sont d’affreux tourments, s’il m’en coûte sa main.

VINIUS.

225De tant de fermeté j’aurais l’âme ravie,
Si cet excès d’amour nous assurait la vie ;
Mais il nous faut le trône, ou renoncer au jour ;
Et quand nous périrons, que servira l’amour ?

OTHON.

À de vaines frayeurs un noir soupçon vous livre :
230Pison n’est point cruel et nous laissera vivre.

  1. On lit dans l’édition de 1692 : « Je n’en veux point juger »