Vous auroit-il prié, Seigneur, de me le dire ?
Lélius
De l’effort qu’il s’est fait il gémit, il soupire ;
Et je crois que son cœur, encore outré d’ennui,
Pour retourner à vous n’est pas assez à lui.
Mais si cette bonté qu’eut pour lui votre flamme
Aidoit à sa raison à rentrer dans son âme,
Nous aurions peu de peine à rallumer des feux
Que n’a pas bien éteints cette erreur de ses vœux.
Éryxe
Quand d’une telle erreur vous punissez l’audace,
Il vous sied mal pour lui de me demander grâce :
Non que je la refuse à ce perfide tour ;
L’hymen des rois doit être au-dessus de l’amour ;
Et je sais qu’en un prince heureux et magnanime
Mille infidélités ne sauroient faire un crime ;
Mais si tout inconstant il est digne de moi,
Il a cessé de l’être en cessant d’être roi.
Lélius
Ne l’est-il plus, Madame ? et si la Gétulie
Par votre illustre hymen à son trône s’allie,
Si celui de Syphax s’y joint dès aujourd’hui,
En est-il sur la terre un plus puissant que lui ?
Éryxe
Et de quel front, Seigneur, prend-il une couronne,
S’il ne peut disposer de sa propre personne,
S’il lui faut pour aimer attendre votre choix,
Et que jusqu’en son lit vous lui fassiez des lois ?
Un sceptre compatible avec un joug si rude
N’a rien à me donner que de la servitude ;
Et si votre prudence ose en faire un vrai roi,
Il est à Sophonisbe, et ne peut être à moi.
Jalouse seulement de la grandeur royale,