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Simple, ne prétends pas, sur cet espoir frivole,
Que je tâche à te rendre un cœur que je te vole.
505Je t’aime, mais enfin je m’aime plus que toi.
C’est moi seul qui le porte à ce manque de foi ;
Auprès d’un autre objet c’est moi seul qui l’engage :
Je ne détruirai pas moi-même mon ouvrage.
Il m’a choisi pour toi, de peur qu’un autre époux
510Avec trop de chaleur n’embrasse ton courroux ;
Mais lui-même il se trompe en l’amant qu’il te donne.
Je t’aime, et puissamment, mais moins que la couronne ;
Et mon ambition, qui tâche à te gagner,
Ne cherche en ton hymen que le droit de régner.
515De tes ressentiments s’il faut que je l’obtienne,
Je saurai joindre encore cent haines à la tienne,
L’ériger en tyran par mes propres conseils,
De sa perte par lui dresser les appareils,
Mêler si bien l’adresse avec un peu d’audace,
520Qu’il ne faille qu’oser pour me mettre en sa place ;
Et comme en t’épousant j’en aurai droit de toi,
Je t’épouserai lors, mais pour me faire roi.
Mais voici Grimoald.


Scène III.

GRIMOALD, GARIBALDE.
GRIMOALD.

Mais voici Grimoald.Eh bien ! quelle espérance,
Duc ? et qu’obtiendrons-nous de ta persévérance ?

GARIBALDE.

525Ne me commandez plus, Seigneur, de l’adorer,
Ou ne lui laissez plus aucun lieu d’espérer.

GRIMOALD.

Quoi ? de tout mon pouvoir je l’avois irritée