Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 6.djvu/547

Cette page n’a pas encore été corrigée

La vieille antipathie entre Rome et Carthage
N’est pas prête à finir par un tel assemblage.
Ne vous préparez point à rien sacrifier
À l’honneur qu’il auroit de vous justifier.
Pour effet de vos feux et de votre parole,
1450Je ne veux qu’éviter l’aspect du Capitole ;
Que ce soit par l’hymen ou par d’autres moyens,
Que je vive avec vous ou chez nos citoyens,
La chose m’est égale, et je vous tiendrai quitte,
Qu’on nous sépare ou non, pourvu que je l’évite.
1455Mon amour voudroit plus ; mais je règne sur lui,
Et n’ai changé d’époux que pour prendre un appui.
––Vous m’avez demandé la faveur de ce titre
Pour soustraire mon sort à son injuste arbitre ;
Et puisqu’à m’affranchir il faut que j’aide un roi,
1460C’est là tout le secours que vous aurez de moi.
Ajoutez-y des pleurs, mêlez-y des bassesses,
Mais laissez-moi, de grâce, ignorer vos foiblesses ;
Et si vous souhaitez que l’effet m’en soit doux,
Ne me donnez point lieu d’en rougir après vous.
1465Je ne vous cèle point que je serois ravie
D’unir à vos destins les restes de ma vie ;
Mais si Rome en vous-même ose braver les rois,
S’il faut d’autres secours, laissez-les à mon choix :
J’en trouverai, Seigneur, et j’en sais qui peut-être
1470N’auront à redouter ni maîtresse ni maître ;
Mais mon amour préfère à cette sûreté
Le bien de vous devoir toute ma liberté.

Massinisse
Ah ! si je vous pouvois offrir même assurance,
Que je serois heureux de cette préférence !

Sophonisbe
1475