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Si vous ne le savez, c’est votre Massinisse,
Qui croit par cet hymen se bien faire justice,
Et que l’infâme vol d’une telle moitié
1220Le venge pleinement de notre inimitié ;
Mais pour peu de pouvoir qu’elle ait sur son courage,
Ce vainqueur avec elle épousera Carthage ;
L’air qu’un si cher objet se plaît à respirer
A des charmes trop forts pour n’y pas attirer :
1225Dans ce dernier malheur, c’est ce qui me console.
Je lui cède avec joie un poison qu’il me vole,
Et ne vois point de don si propre à m’acquitter
De tout ce que ma haine ose lui souhaiter.

Lélius
Je connois Massinisse, et ne vois rien à craindre
1230D’un amour que lui-même il prendra soin d’éteindre :
Il en sait l’importance ; et quoi qu’il ait osé,
Si l’hymen fut trop prompt, le divorce est aisé.
Sophonisbe envers vous l’ayant mis en usage,
Le recevra de lui sans changer de visage,
1235Et ne se promet pas de ce nouvel époux
Plus d’amour ou de foi qu’elle n’en eut pour vous.
Vous, puisque cet hymen satisfait votre haine,
De ce qui le suivra ne soyez point en peine,
Et sans en augurer pour nous ni bien ni mal,
1240Attendez sans souci la perte d’un rival,
Et laissez-nous celui de voir quel avantage
Pourroit avec le temps en recevoir Carthage.

Syphax
Seigneur, s’il est permis de parler aux vaincus,