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Si mon amour égal rend vos jours fortunés,
Vous souvient-il encor de qui vous le tenez ?

Syphax
De vos bontés, Madame.

Sophonisbe
De vos bontés, Madame.Ah ! cessez, je vous prie,
De faire en ma faveur outrage à ma patrie.
Un autre avoit le choix de mon père et le mien ;
290Elle seule pour vous rompit ce doux lien.
Je brûlois d’un beau feu, je promis de l’éteindre ;
J’ai tenu ma parole, et j’ai su m’y contraindre.
Mais vous ne tenez pas, Seigneur, à vos amis
Ce qu’acceptant leur don vous leur avez promis ;
295Et pour ne pas user vers vous d’un mot trop rude,
Vous montrez pour Carthage un peu d’ingratitude.
––Quoi ? vous qui lui devez ce bonheur de vos jours.
Vous que mou hyménée engage à son secours,
Vous que votre serment attache à sa défense,
300Vous manquez de parole et de reconnoissance,
Et pour remercîment de me voir en vos mains,
Vous la livrez vous-même en celles des Romains !
Vous brisez le pouvoir dont vous m’avez reçue,
Et je serai le prix d’une amitié rompue,
305Moi qui pour en étreindre à jamais les grands nœuds,
Ai d’un amour si juste éteint les plus beaux feux !