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Quand tu veux que son choix n’ait rien qui m’intéresse !
125––Des cœurs que la vertu renonce à posséder,
La conquête toujours semble douce à garder :
Sa rigueur n’a jamais le dehors si sévère,
Que leur perte au dedans ne lui devienne amère ;
Et de quelque façon qu’elle nous fasse agir,
130Un esclave échappé nous fait toujours rougir.
Qui rejette un beau feu n’aime point qu’on l’éteigne :
On se plaît à régner sur ce que l’on dédaigne ;
Et l’on ne s’applaudit d’un illustre refus
Qu’alors qu’on est aimée après qu’on n’aime plus.
135––Je veux donc, s’il se peut, que l’heureux Massinisse
Prenne tout autre hymen pour un affreux supplice,
Qu’il m’adore en secret, qu’aucune nouveauté
N’ose le consoler de ma déloyauté ;
Ne pouvant être à moi, qu’il ne soit à personne,
140Ou qu’il souffre du moins que mon seul choix le donne.
Je veux penser encor que j’en puis disposer,
Et c’est de quoi la paix me va désabuser.
Juge si j’aurai lieu d’en être satisfaite,
Et par ce que je crains vois ce que je souhaite.
145––Mais Éryxe déjà commence mon malheur,
Et me vient par sa joie avancer ma douleur.


Scène III – Sophonisbe, Éryxe, Herminie, Barcée

Éryxe
Madame, une captive oseroit-elle prendre
Quelque part au bonheur que l’on nous vient d’apprendre ?

Sophonisbe