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Égale ardeur de vaincre, et pareille menace.
L’avantage du nombre est dans notre parti :
Ce grand feu des Romains en paroît ralenti ;
Du moins de Lélius la prudence inquiète
20Sur le point du combat nous envoie un trompette.
On le mène à Syphax, à qui sans différer
De sa part il demande une heure à conférer.
Les otages recus pour cette conférence,
Au milieu des deux camps l’un et l’autre s’avance ;
25Et si le ciel répond à nos communs souhaits,
Le champ de la bataille enfantera la paix.
––Voilà ce que le Roi m’a chargé de vous dire,
Et que de tout son cœur[1] à la paix il aspire,
Pour ne plus perdre aucun de ces moments si doux
30Que la guerre lui vole en l’éloignant de vous.

SOPHONISBE.

Le Roi m’honore trop d’une amour si parfaite.
Dites-lui que j’aspire à la paix qu’il souhaite,
Mais que je le conjure, en cet illustre jour,
De penser à sa gloire encor plus qu’à l’amour.

SCÈNE II.
SOPHONISBE, HERMINIE.

HERMINIE.

35Madame, ou j’entends mal une telle prière,
Ou vos vœux pour la paix n’ont pas votre âme entière ;
Vous devez pourtant craindre un vainqueur irrité.

SOPHONISBE.

J’ai fait à Massinisse une infidélité.
Accepté par mon père, et nourri dans Carthage,

  1. Dans l’édition de 1682 on lit, par erreur évidemment : « tout de son cœur, » au lieu de « de tout son cœur. »