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Sertorius
Je n’ai donc qu’à mourir en faveur de ce choix.
J’en ai reçu la loi de votre propre voix ;
C’est un ordre absolu qu’il est temps que j’entende.
Pour aimer un Romain, vous voulez qu’il commande ;
Et comme Perpenna ne le peut sans ma mort,
Pour remplir votre trône il lui faut tout mon sort.
Lui donner votre main, c’est m’ordonner, Madame,
De lui céder ma place au camp et dans votre âme.
Il est, il est trop juste, après un tel bonheur,
Qu’il l’ait dans notre armée, ainsi qu’en votre cœur :
J’obéis sans murmure, et veux bien que ma vie…

Viriate
Avant que par cet ordre elle vous soit ravie,
Puis-je me plaindre à vous d’un retour inégal
Qui tient moins d’un ami qu’il ne fait d’un rival ?
Vous trouvez ma faveur et trop prompte et trop pleine !
L’hymen où je m’apprête est pour vous une gêne !
Vous m’en parlez enfin comme si vous m’aimiez !

Sertorius
Souffrez, après ce mot, que je meure à vos pieds.
J’y veux bien immoler tout mon bonheur au vôtre ;
Mais je ne vous puis voir entre les bras d’un autre,
Et c’est assez vous dire à quelle extrémité
Me réduit mon amour, que j’ai mal écouté.
Bien qu’un si digne objet le rendît excusable,
J’ai cru honteux d’aimer quand on n’est plus aimable :
J’ai voulu m’en défendre à voir mes cheveux gris,
Et me suis répondu longtemps de vos mépris ;
Mais j’ai vu dans votre âme ensuite une autre idée,