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Scène 2


Pompée, Aristie


Pompée
Me dit-on vrai, Madame, et serait-il possible…

Aristie
Oui, Seigneur, il est vrai que j’ai le cœur sensible :
Suivant qu’on m’aime ou hait, j’aime ou hais à mon tour,
Et ma gloire soutient ma haine et mon amour.
Mais si de mon amour elle est la souveraine,
Elle n’est pas toujours maîtresse de ma haine ;
Je ne la suis pas même, et je hais quelquefois
Et moins que je ne veux et moins que je ne dois.

Pompée
Cette haine a pour moi toute son étendue,
Madame, et la pitié ne l’a point suspendue ;
La générosité n’a pu la modérer.

Aristie
Vous ne voyez donc pas qu’elle a peine à durer ?
Mon feu, qui n’est éteint que parce qu’il doit l’être,
Cherche en dépit de moi le vôtre pour renaître ;
Et je sens qu’à vos yeux mon courroux chancelant
Trébuche, perd sa force, et meurt en vous parlant.
M’aimeriez-vous encor, Seigneur ?

Pompée
————————————————Si je vous aime !
Demandez si je vis, ou si je suis moi-même :
Votre amour est ma vie, et ma vie est à vous.

Aristie
Sortez de mon esprit, ressentiments jaloux
Noirs enfants du dépit, ennemis de ma gloire,
Tristes ressentiments, je ne veux plus vous croire.
Quoi qu’on m’ait fait d’outrage, il ne m’en souvient plus :