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Si vous faisiez dessein de me les expliquer
Jusqu’à m’avoir appris à les bien pratiquer.

Sertorius
Aussi me pourriez-vous épargner quelque peine,
Si vous vouliez avoir l’âme toute romaine :
Je vous l’ai déjà dit.

Pompée
Ce discours rebattu
Lasserait une austère et farouche vertu.
Pour moi, qui vous honore assez pour me contraindre
À fuir obstinément tout sujet de m’en plaindre,
Je ne veux rien comprendre en ses obscurités.

Sertorius
Je sais qu’on n’aime point de telles vérités ;
Mais, Seigneur, étant seuls, je parle avec franchise :
Bannissant les témoins, vous me l’avez permise ;
Et je garde avec vous la même liberté
Que si votre Sylla n’avait jamais été.
Est-ce être tout Romain qu’être chef d’une guerre
Qui veut tenir aux fers les maîtres de la terre ?
Ce nom, sans vous et lui, nous serait encor dû :
C’est par lui, c’est par vous que nous l’avons perdu.
C’est vous qui sous le joug traînez des cœurs si braves ;
Ils étaient plus que rois, ils sont moindres qu’esclaves ;
Et la gloire qui suit vos plus nobles travaux
Ne fait qu’approfondir l’abîme de leurs maux :
Leur misère est le fruit de votre illustre peine ;
Et vous pensez avoir l’âme toute romaine !
Vous avez hérité ce nom de vos aïeux ;
Mais s’il vous était cher, vous le rempliriez mieux.