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Pour moi, qu’un sang moins noble a transmis à la vie,
Je n’ose m’éblouir d’un peu de nom fameux
Jusqu’à déshonorer le trône par mes vœux.
Cessez de m’estimer jusqu’à lui faire injure ;
Je ne veux que le nom de votre créature :
Un si glorieux titre a de quoi me ravir ;
Il m’a fait triompher en voulant vous servir ;
Et malgré tout le peu que le ciel m’a fait naître…

Viriate
Si vous prenez ce titre, agissez moins en maître,
Ou m’apprenez du moins, seigneur, par quelle loi
Vous n’osez m’accepter, et disposez de moi.
Accordez le respect que mon trône vous donne
Avec cet attentat sur ma propre personne.
Voir toute mon estime, et n’en pas mieux user,
C’en est un qu’aucun art ne saurait déguiser.
Ne m’honorez donc plus jusqu’à me faire injure :
Puisque vous le voulez, soyez ma créature ;
Et me laissant en reine ordonner de vos vœux,
Portez-les jusqu’à moi parce que je le veux.
Pour votre Perpenna, que sa haute naissance
N’affranchit point encor de votre obéissance,
Fût-il du sang des dieux aussi bien que des rois,
Ne lui promettez plus la gloire de mon choix.
Rome n’attache point le grade à la noblesse.
Votre grand Marius naquit dans la bassesse ;
Et c’est pourtant le seul que le peuple romain
Ait jusques à sept fois choisi pour souverain.
Ainsi pour estimer chacun à sa manière,