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Et que son propre sang en faveur de ces lieux
Balance les Destins, et partage les Dieux.
Depuis qu’elle a daigné protéger nos provinces,
Et de son amitié faire honneur à leurs Princes,
Sous un si haut appui nos Rois humiliés
N’ont été que sujets sous le nom d’alliés,
Et ce qu’ils ont osé contre leur servitude
N’en a rendu le joug que plus fort, et plus rude,
Qu’a fait Mandonius, qu’a fait Indibilis,
Qu’y plonger plus avant leurs Trônes avilis,
Et voir leur fier amas de puissance et de gloire
Brisé contre l’écueil d’une seule victoire ?
Le grand Viriatus, de qui je tiens le jour,
D’un sort plus favorable eut un pareil retour.
Il défit trois préteurs, il gagna dix batailles,
Il repoussa l’assaut de plus de cent murailles ;
Et du consul Brutus l’Astre prédominant
Dissipa tout d’un coup ce bonheur étonnant.
Ce grand Roi fut défait, il en perdit la vie,
Et laissait sa Couronne à jamais asservie,
Si pour briser les fers de son peuple captif
Rome n’eût envoyé ce noble fugitif.
Depuis que son courage à nos Destins préside,
Un bonheur si constant de nos armes décide,
Que deux lustres de guerre assurent nos climats
Contre ces souverains de tant de potentats,
Et leur laissent à peine au bout de dix années,
Pour se couvrir de nous, l’ombre des Pyrénées.