Hâtez à votre gré ce secours de descendre ;
Mais encore une fois gardez de vous méprendre.
Par ce qu’ont vu vos yeux jugez ce que je puis :
Tout me paroît facile en l’état où je suis ;
Et si la force enfin répond mal au courage,
Il en est parmi nous qui peuvent davantage.
Souffrez donc que l’ardeur dont je me sens brûler…
Scène IV
Arrête, déloyal, et laisse-moi parler :
Que je rende un plein lustre à ma gloire ternie
Par l’outrageux éclat que fait la calomnie.
Qui vous l’a dit, Madame, et sur quoi fondez-vous
Ces dignes visions de votre esprit jaloux ?
Si Jason entre nous met quelque différence
Qui flatte malgré moi sa crédule espérance,
Faut-il sur votre exemple aussitôt présumer
Qu’on n’en peut être aimée et ne le pas aimer[1] ?
Connoissez mieux Médée, et croyez-la trop vaine
Pour vouloir d’un captif marqué d’une autre chaîne.
Je ne puis empêcher qu’il vous manque de foi,
Mais je vaux bien un cœur qui n’ait aimé que moi ;
Et j’aurai soutenu des revers bien funestes
- ↑ Tel est le texte des éditions publiées du vivant de Corneille et de celle de 1692. Dans la première de Voltaire (1764) il s’est glissé une faute, qui a passé de là dans les impressions modernes, et qui dénature entièrement la pensée : « Qu’on en peut être aimée, etc. »