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Je ne m’en servirois que pour m’en faire aimer.

Aæte.

Ah ! je n’ai que trop cru vos plaintes ajustées
À des illusions entre vous concertées ;
Et les dehors trompeurs d’un dédain préparé
N’ont que trop ébloui mon œil mal éclairé. 1905
Oui, trop d’ardeur pour vous, et trop peu de lumière
M’ont conduit en aveugle à ma ruine entière.
Ce pompeux appareil que soutenoient les vents,
Ces tritons tout autour rangés comme suivants,
Montroient bien qu’en ces lieux vous n’étiez abordée 1910
Que par un art plus fort que celui de Médée.
D’un naufrage affecté l’histoire sans raison
Déguisoit le secours amené pour Jason ;
Et vos pleurs ne sembloient m’en demander vengeance
Que pour mieux faire place à votre intelligence. 1915

Hypsipyle.

Que ne sont vos soupçons autant de vérités,
Et que ne puis-je ici ce que vous m’imputez !

Absyrte.

Qu’a fait Jason, Seigneur, et quel mal vous menace,
Quand nous voyons encor la toison en sa place ?

Aæte.

Nos taureaux sont domptés, nos gendarmes défaits, 1920
Absyrte : après cela crains les derniers effets.

Absyrte.

.

Quoi ? son bras…

Aæte.

Quoi ? son bras… Oui, son bras, secondé par ses charmes,
A dompté nos taureaux et défait nos gensdarmes :
Juge si le dragon pourra faire plus qu’eux !
Ils ont poussé d’abord de gros torrents de feux ; 1925
Ils l’ont enveloppé d’une épaisse fumée.
Dont sur toute la plaine une nuit s’est formée ;