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Et que l’hymen ait joint au mépris qu’il en fait 1820
D’un entier changement l’irrévocable effet.
Alors par son parjure à moi-même rendue,
Mes sentiments d’estime auront plus d’étendue ;
Et dans la liberté de faire un second choix,
Je saurai mieux penser à ce que je vous dois. 1825

Absyrte.

Je ne sais si ma sœur voudra prendre assurance
Sur des serments trompeurs que rompt son inconstance ;
Mais je suis sûr qu’à moins qu’elle rompe son sort,
Ce que feroit l’hymen vous l’aurez par sa mort.
Il combat nos taureaux, et telle est leur furie, 1830
Qu’il faut qu’il y périsse, ou lui doive la vie.

Hypsipyle.

Il combat vos taureaux ! Ah ! que me dites-vous ?

Absyrte.

Qu’il n’en peut plus sortir que mort, ou son époux.

Hypsipyle.

Ah ! Prince, votre sœur peut croire encor qu’il m’aime.
Et sur ce faux soupçon se venger elle-même. 1835
Pour bien rompre le coup d’un malheur si pressant,
Peut-être que son art n’est pas assez puissant :
De grâce en ma faveur joignez-y tout le vôtre ;
Et si…

Absyrte.

Et si… Quoi ? vous voulez qu’il vive pour un autre[1] ?

Hypsipyle.

Oui, qu’il vive, et laissons tout le reste au hasard. 1840

Absyrte.

Ah ! Reine, en votre cœur il garde trop de part ;
Et s’il faut vous parler avec une âme ouverte,

  1. Tel est le texte de toutes les éditions, si l’on en excepte celle de 1661, dont la leçon : « une autre, » a été adoptée par Thomas Corneille et par Voltaire. Voyez ci-dessus, p. 310, note 1.