Pouvois-je avec honneur à ce qu’il a d’éclat
Joindre le nom de lâche et le titre d’ingrat ?
Auriez-vous pu m’aimer couvert de cette honte ?
Ma sœur, dites le vrai, n’étiez-vous point trop prompte ?
Qu’a-t-il fait qu’un cœur noble et vraiment généreux…
Ma sœur, je le voulois seulement amoureux.
En qui sauroit aimer seroit-ce donc un crime,
Pour montrer plus d’amour, de perdre un peu d’estime ?
Et malgré les douceurs d’un espoir si charmant,
Faut-il que le héros fasse taire l’amant ?
Quel que soit ce devoir, ou ce noble caprice,
Tu me devois, Jason, en faire un sacrifice.
Peut-être j’aurois pu t’en entendre blâmer,
Mais non pas t’en haïr, non pas t’en moins aimer.
Tout oblige en amour, quand l’amour en est cause.
Voyez à quoi pour vous cet amour la dispose.
N’abusez point, Jason, des bontés de ma sœur,
Qui semble se résoudre à vous rendre son cœur ;
Et laissez à vos Grecs, au péril de leur vie,
Chercher cette toison si chère à leur envie.
Quoi ? les abandonner en ce pas dangereux !
N’as-tu point assez fait d’avoir parlé pour eux ?
Je suis leur chef, Madame ; et pour cette conquête
Mon honneur me condamne à marcher à leur tête :
J’y dois périr comme eux, s’il leur faut y périr ;
Et bientôt à leur tête on m’y verroit courir,
Si j’aimois assez mal pour essayer mes armes
À forcer des périls qu’ont préparés vos charmes,